mercredi 11 août 2010

Sambre - Plus ne m'est rien, Yslaire et Balac 1986

« Yslaire est malade…malade de perfection ». C’était ainsi qu’en 1985 dans un article de « Circus », le mensuel des éditions Glenat, on avait eu droit à ces excuses un peu alambiquées pour justifier le retard pris dans la parution des planches, et calmer la frustration des lecteurs (forcément) déçus.


 Cette saga est d’abord une œuvre monumentale en vingt et un titres répartis en deux séries : « Sambre », découpée en trois générations de quatre titres chacunes, dont cinq seulement sur les douze prévus sont parus entre 1986 et 2003(*), et « La guerre des Sambre » antérieure chronologiquement, mais éditée à partir de 2007 et dont trois albums sur les neuf annoncés,  découpage en trois époques cette fois, sont disponibles à ce jour.

Au bout de vingt-quatre ans, huit albums édités…et treize à paraître.  C’est peut-être le prix de la perfection que l’on découvre dans « Plus ne m’est rien » (**).


Perfection qui se sent et se ressent, qui colle aux doigts frôlant les pages glacées comme le vent et la pluie omniprésents rendant encore plus froide cette atmosphère crépusculaire, noire, si noire…et si rouge, rouge sang, rouge passion.

Rouge et noir qui se marient, se déchirent, se subliment, se rehaussent, se mélangent, s’associent, se dissocient, forment un simple éclat dans une vignette ou éclatent dans une autre au gré des passions et de l’intrigue. Le tout dans une mise en scène savante ou les expressions des personnages transmettent leurs pulsions et leurs tourments sans fard. Dans laquelle les contre-plongée mettent en valeur un détail.

Un sens du détail et de l’exactitude. Détail de la statue de l’archange pleurant dans la première page devenant un rappel sinistre sous la lune page 29, zoom à l’intérieur d’une vignette, comme la main tremblante de Bernard lâchant prise lors de sa chute, ou les seins de Rosine présentant un plateau de cerises lors du repas familial. Exactitude de la reconstitution de l’époque de Louis-Philippe et des prémices de la guerre civile qui couve en ce crépuscule de la monarchie de Juillet et d’une certaine déliquescence des mœurs tandis que le pouvoir se radicalise et se coupe du peuple.

« Sambre » mot crée à partir de Sang et de Sombre. Crépusculaire et passionné, rougeoiement et noirceur, romantisme et haine farouche mêlées, folie et rage, engrenage infernal d’un tourbillon. Pas une vignette, même dans les actes charnels, ou l’on ne ressente cette tension.

On a souvent dit que « Sambre » était une œuvre Balzacienne ou Stendhalienne. C’est une erreur. « Sambre » est unique.



(*) Initialement publié dans « Circus » à partir de 1984, l’album paraît en 1986 sur un scénario de Balac. Ce dernier participera au second opus avant de quitter la série qu’Yslaire poursuivra seul. A l’occasion du dernier album paru en 2003, une nouvelle version (plus qu’une réedition) est sortie avec de nouvelles couvertures (à gauche), un nouveau travail sur les couleurs et plus étonnant un changement de titre pour le tome 3. C’est affaire de goût, mais je vous conseille les originaux qu’il faut rechercher en occasion désormais et dont  la couverture est ci-dessous. 









(**) Synopsis : L’enterrement d’Hugo Sambre considéré comme dément suite à sa haine des « yeux rouges », dont il a fait un essai inachevé « La guerre des Yeux », est l’occasion de raviver les plaies familiales entre une mère volage, Sarah, sa fille dans les pas de la folie de son père et Bernard le cadet en proie au tourments amoureux avec la belle Julie, vagabonde, fille de catin et aux yeux...rouge sang. Le drame couve tandis que la révolte gronde.


2 commentaires:

  1. Bien.

    J'apprends plein de chose mais je ne me rappelle pas avoir feuilleté Ces albums.

    Indéniablement, ça donne envie quoique, je ne sois pas fan de BD réalistes...

    Quant à ton poulet sexy exhibé en fin d'article, il m'a subjugué ! Bravo pour la trouvaille !

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