vendredi 10 septembre 2010

Michel Vaillant - Série noire, Jean Graton, 1973

©® Graton Editeur™
Vrrroooaaaw !!! Ca y est les bolides se sont élancés, Michel Vaillant est bien sur en pole position...
On ne saura sans doute jamais combien de vocations et de carrières dans l'automobile, sont nées là, dans le bruit des moteurs rugissants de la BD de Jean Graton. Combien de futurs concurrents de la Coupe 104 ZS ou des Formules Renault, combien de motoristes, de mécanos, et plus simplement d'amateurs de voitures ont été marqués par ce héros. Il est rare qu'un personnage "d'illustrés" suscite un tel engouement.


Nous sommes en 1973 quand "Série Noire " parait en librairies (l'histoire à été découpée en fait au fil des numéros de Tintin un an plus tôt). Cette année enchainera plusieurs virages tant pour notre héros que dans nos vies.

1973, c'est d'abord l'année du premier choc pétrolier, celui de la chasse au "Gaspi" qui signera la fin de l'age d'or de la vitesse illimitée, des chromes rutilants, la quasi disparition des GT, et du "pilotage" au profit de la "conduite". Exit donc les R8 Gordini, les Simca 1000 Rallye et autres Alpines A 110, tandis que la Citroën SM voit ses chevrons brisés. Pierre Messmer, alors premier ministre interdira même un temps la compétition automobile. Un comble quand on sait quel laboratoire la course à été et demeure encore pour nos voitures quotidiennes.

©® Graton Editeur™
Une année morose qui se termine le 6 octobre par la mort à 29 ans de François Cevert. Certainement l'un des pilotes les plus doués de sa génération et qui présente plusieurs similitudes avec Michel Vaillant. Il courra avec lui d'ailleurs lors d'un mémorable raid "Canada- Terre de feu" dans l'épisode "Rush". Nous allons y revenir.

Nous sommes donc en 1973. Et c'est un tout autre héros que nous présente Graton dans "Série noire". Cet album est moins un titre pour les enfants des années 60 que pour les adolescents de 1970. Michel Vaillant est un homme maintenant. Loin du jeune pilote  insouciant de 1957 qui était (il faut dire) parfois un peu trop lisse avec son coté gendre idéal, son absence de défauts, son aversion des cheveux longs, et sa tendresse exacerbée pour sa "petite maman" au détriment de sa "fiancée" Françoise Latour.

Le dessin s'est affirmé, les traits sont plus vigoureux, le regard plus acéré, la chevelure ne semble plus gominée, elle est  plus longue avec des pattes plus conformes à la mode de l'époque.   Et nouveauté, il est proie à des tourments personnels et sujet au doute. Un grand pari de l'auteur tant encore à l'époque, les héros de BD n'avaient pas droit à une vie personnelle et encore moins à des états d'âme.
On peut y voir une seconde lecture (simple prospective). Au choix, l'humanisation du  personnage comme dans les Comics US (Marvel, Strange) qu'on découvre et ou les superhéros ont leur propres fêlures (Daredevil, l'Araignée,  le Surfer d'Argent...), un encouragement à Cevert qui avait réalisé une saison en demi teinte et s'était fait à l'époque brocarder par la presse, ou enfin la dégradation latente des rapports entre Jean Graton et son éditeur (qui se terminera en 1976), et qui rend peut-être cet album plus personnel qu'il n'y parait.
Pour une fois les doutes du champion , qui songe à tout plaquer prennent le pas sur la course, malgré le réalisme de la série, premier des trois piliers sur lequel Michel Vaillant repose.
©® Graton Editeur™

Le réalisme est l'une des caractéristiques fondamentales de l'oeuvre de Jean Graton et la clé de son succès. Dans Vaillant, on ne lit pas une histoire, on est DANS l'histoire. Les clins d'oeil abondent et parfois les personnages répondent à celui qui les regarde par dessus leur épaule, ou quand le narrateur parle à son héros. On devient tout de suite complice, et cette immersion se double d'un travail de précision en ce qui concerne les décors comme les protagonistes. On croise ainsi Beltoise, Ickx, Servoz-Gavin, Pescarolo, Stewart entre autres et qui croqués deviennent comparses et complices de Michel comme si l'on était dans le paddock ou sur la ligne de départ. On prend le "bureau de tabac" ou "Mulsanne" à fond sur la trajectoire de nos héros comme si l'on avait embarqué à coté d'eux. Même souci de réalisme aussi en ce qui concerne les voitures de toutes les marques qu'elles soient Proto, Rallye ou Formule 1, les décors, ou les circuits présentés très didactiquement .
Dessiné à partir de milliers de clichés et de notes, Vaillant se veut un reportage de l'intérieur sur la vie des pilotes et les métiers de la route. D'ailleurs divers épisodes seront consacrés à la construction d'autoroutes, aux routiers (dans les années 60) ou aux cascadeurs tel Gil Delamare qui intervient dans l'album "Les Casse-cou" et à qui Graton dédiera une Vaillante  après son décès  tragique (comme il le fera plus tard pour François Cevert). L'amitié est une vertu cardinale chez Graton, et le second pilier de la série.

Que ce soit avec son alter-ego Steve Warson, Yves Douleac , jeune garçon en perdition qui deviendra grâce à lui un pilote renommé, ou les nombreuses têtes qui font parfois plus que des apparitions, l'amitié prend une part importante chez Vaillant. comme chez Jean Graton . Ses amis ne sont pas figurants, mais prennent part à l'histoire qu'ils soient pilotes ou journalistes comme Crombac, Collaro ou Seidler (qui feront de "vrais " papiers consacrés à Michel Vaillant pour l'album "Série noire"). L'amitié entre passionnés et désirant faire partager leur passion irrigue chaque album. Elle se teinte comme c'est souvent le cas dans la vie, de fidélité, de loyauté, de pardon et reste indéfectible quoi qu'il arrive. Malgré les tensions, malgré la course et l'individualisme qui en découle. Etre amis et concurrents tout en différenciant les deux clairement, telle est la philosophie des gentlemens drivers que nous conte Graton. Philosophie qui elle aussi semble parfois avoir disparu à l'aube des années 75 dans les écuries d'alors plus familiales qu'aujourd'hui.

©® Graton Editeur™
La famille, c'est le troisième pilier de Vaillant. Depuis le début, la série est conçue comme une saga. Avec ses personnages récurrents bien sur. Le "Père" Vaillant à la fois homme d'affaire avisé bougon et patelin, son épouse qui frémit à chaque course et mère de Jean-Pierre ingénieur de génie (et toujours clope au bec) et de Michel son "tout petit' (d'environ 35 ans quand même en 73). Autour gravitent des personnages pittoresques comme Benjamin Vaillant le frère,  ou Joseph  le chef mécano etc...sans oublier Agnès épouse de Jean-Pierre et Françoise l'éternelle fiancée (à l'époque). Tous ces personnages, grandissent, vieillissent au fur et à mesure des aventures et travaillent ensemble. L'unité et la continuité font partie de l'histoire comme le dessin des Vaillante (2)

L'album "Série noire" reste une avancée importante dans Michel Vaillant. Chronique d'une époque en plein changement, renforçant ses deux piliers Famille et Amis et ne cédant pas à la facilité dans le scénario tout en étant d'un époustouflant réalisme, Il aborde aussi les relations avec la presse et les médias dont on sait qu'elles vont devenir prépondérantes. Un album précurseur, plus mature et s'adressant au public qui à grandi avec son héros. A découvrir et à redécouvrir.


Remerciements au fan club de Jean Graton et Michel Vaillant  pour les autorisations et que je vous conseille pour le prolonger.


©® Graton Editeur™
(1) Synopsis : La poisse s'abat sur Michel Vaillant. D'accidents en casses mécaniques, il est contraint à l'abandon au fil des courses tandis que Steve Warson fait des étincelles. Notre champion pourra t'il surmonter le doute qui l'étreint ?

(2) Vaillante. La marque emblématique de la série. Celle qui à donné de furieuses envies à tous les petits garçons (y compris l'auteur de cette chronique) de dessiner des voitures sur tout ce qui pouvait ressembler à un bout de papier, un cahier (voire un pupitre) d'écolier ou carnet savamment caché sous un bureau. Une production pléthorique et toujours en avance sur son temps souvent caractérisée par de vastes surfaces vitrées bulbeuses, un profil en flèche et ça et la quelques inspirations piochées chez plus grands designers.  Il y a pire comme influence, mais cela contribue au réalisme de la série. Voir le Show-Room.

3 commentaires:

  1. Vachement documenté !

    Bravo.

    Je n'aimais pas trop Michel Vaillant car je trouvais les personnages figés graphiquement et surtout bien trop beaux, sans une ride, et fleurant bon la gravure de mode.

    Les personnages me paraissaient trop fades. Notamment la fiancée blondasse qui ne devait pas être un bon coup... -DDD

    J'étais évidemment jaloux ! ;-)

    RépondreSupprimer
  2. Heu...La fiancée en question est brune ou alors tu penses que Steve Warson était le petit copain de Vaillant :-))

    Pour le reste cela a été un plaisir de travailler sur ce héros tant le travail de Graton était précis et méticuleux pour faire vivre l'ambiance course(au détriment parfois du scénario)

    Amitiés

    RépondreSupprimer
  3. Merdre ! Je dois confondre avec sa sœur, alors ?

    Je me rappelle d'une blonde aux cheveux raides et longs...

    Plutôt mièvre.

    Je t'appelle bientôt.

    RépondreSupprimer